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| Socialisation, sociabilité, insertion sociale ... | |
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Invité Invité
| Sujet: Socialisation, sociabilité, insertion sociale ... Ven 9 Nov - 12:34 | |
| Bonjour,
Les propos ci-dessous n’ont que vocation à tenter de répondre à la question « Et la socialisation ? » qui semble fréquemment posée aux parents qui informent des tiers de leur choix de l’instruction à la maison, et servir de base à d’éventuels débats. Il est difficile de traiter cette question, car la socialisation est un concept sociologique aux frontières floues, qui permet à chacun d’y intégrer sa propre acception. Il me semble donc utile de rappeler dans un premier temps le sens initial des notions que je vais aborder, et j’invite ceux qui voudraient me commenter à utiliser ces notions dans le même sens que le mien, ou à préciser leurs divergences sur le sens, afin que nous nous comprenions. Je vais délibérément, dans le but de limiter la longueur de mon commentaire, être restrictif dans le sens, et synthétique dans mes explications. Mais c’est avec plaisir que j’expliquerai si besoin par la suite mes choix et développerai mes explications.
Donc, pour commencer, c’est quoi la socialisation ? C’est un concept d’origine sociologique, voici la définition de Durkheim : « la socialisation est le processus par lequel la société attire à elle l'individu, à travers l'apprentissage méthodique de règles et de normes par les jeunes générations ; elle favorise et renforce l'homogénéité de la société ». Je retiens : Socialisation : processus d’apprentissage de règles et de normes. Ensuite, je crois utile de préciser ce que j’entendrai par sociabilité : Mon dictionnaire me dit : Qualité d’une personne sociable. Et pour sociable : Qui recherche la compagnie de ses semblables, avec qui il est facile de vivre. Je retiens donc pour sociabilité : Aptitude et goût à la relation humaine. Enfin : l’insertion sociale : J’entendrai par là : participation constructive à la société humaine. Une bonne insertion sociale correspond pour moi à la notion d’autonomie sociale (choix de son propre positionnement dans la société et participation à celle-ci), une mauvaise insertion sociale correspond pour moi soit à la notion de dépendance vis-à-vis de la société (assistance par celle-ci), soit à la notion de parasitage de la société (délinquance économique).
Comment fonctionne la socialisation ? Sur les modes conscient et inconscient. Ainsi, lorsqu’une mère nourrit à la cuillère son enfant de huit mois assis dans sa chaise haute, ni la mère ni l’enfant n’ont forcément conscience d’être au cœur du processus de socialisation. Pourtant, l’enfant est en train « d’apprendre », entre autres, une norme sociale française qui est l’utilisation de la cuillère pour manger, une autre qui est l’utilisation de chaises pour s’asseoir, une autre relative au choix alimentaire, une autre qui consiste à ne pas mettre la main à sa bouche pendant qu’on le nourrit, une autre concernant les horaires des repas en France pour peu qu’il soit autour de midi … A l’inverse, lorsqu’un instituteur ou un parent fait un cours d’instruction civique à un enfant, chacun est conscient de participer à un processus d’apprentissage identifié comme tel, intégrant la socialisation puisque ayant celle-ci pour fonction.
Qu’est ce qui est appris, à quel moment ? Lorsque l’enfant est confié à l’Education Nationale, il doit notamment avoir appris la règle de la propreté corporelle par rapport à ses besoins naturels. Mais, mon premier exemple l’a mis en lumière, les soins qu’il a reçus et le fait qu’il ait été gardé et occupé dans l’environnement familial durant plusieurs années l’a pourvu d’un premier référentiel social non négligeable. L’école de la République a elle l’ambition de lui enseigner les valeurs de la République, qui sont : la liberté, l'égalité, la fraternité, la laïcité. On observe immédiatement qu’il s’agit en fait de principes, qui doivent être précisés et dont l’usage doit être apprécié au regard de la situation. Comment vont s’articuler le référentiel social préexistant chez l’enfant, et le transfert de valeurs que l’école tente de transmettre ? C’est simple : soit les valeurs que tente de transmettre l’école sont en congruence avec celles transmises précédemment par les parents, et elles s’intègreront dans le référentiel social de l’enfant qu’elles renforceront. Soit ces valeurs entreront en conflit avec celles reçues précédemment, et elles seront repoussées par l’enfant, qui défendra son référentiel préexistant. Dans le doute, l’enfant s’adressera aux parents sur la conduite à tenir en la circonstance, et en cas de désaccord parental, dans le cas général, il n’y a aucun doute sur l’avis que retiendra l’enfant, qui sera celui des parents.
On voit donc qu’au bout du compte, si l’on retient comme définition de la socialisation l’intégrations de normes et valeurs, que l’enfant soit ou pas confié à l’Education Nationale, ce sont les valeurs transmises par les parents qui subsisteront, et ce au moins jusqu’à l’issue de l’adolescence de l’enfant. Le fait de ne pas intégrer l’enfant à l’Education Nationale n’a donc à peu près pas d’incidence sur celle-ci. Pour l'enfant, Education Nationale ou pas, sur ces questions d'intégration de normes et valeurs sociales, l'important est le rapport qu'entretiennent les parents avec la société.
Parmi nos interlocuteurs, certains intègrent la sociabilité à la socialisation. Je vais donc pareillement intégrer la sociabilité à mon propos, en la considérant, comme retenu plus haut comme : Aptitude et goût à la relation humaine. Comment acquiert-on l’aptitude et le goût à la relation humaine ? Concernant l’aptitude, je postule une part non négligeable d’inné. J’ai observé très tôt des enfants de même fratrie, et donc en principe soumis à des stimulations de même ordre, dont certains s’orientaient spontanément vers les activités collectives, quand d’autres, heureusement plus rares, s’absorbaient dans des activités individuelles. S’il s’agit de timidité, ça se soigne. Mais lorsqu’il s’agit d’inaptitude à la relation humaine, qui pourrait s’expliquer par des difficultés d’interprétation de la communication d’autrui (dont une part importante n’est pas langagière), ou un égocentrisme pathologique, ça semble perdurer à vie. Ecole ou pas. Il n’en demeure pas moins que l’aptitude ne demande que la pratique pour se développer, et qu’il ne me paraît pas souhaitable de tenir éloigné l’enfant de ceux de son âge ; mais cela peut aussi bien, voire mieux, se faire hors du contexte scolaire. Concernant le goût, le fonctionnement humain standard l’oriente en général vers l’aptitude … en conséquence du renforcement pavlovien. Dans cette logique, les « échanges sociaux » primitifs acquièrent une relative importance, en ce qu’ils peuvent orienter durablement vers le goût si satisfaisants ou le désintérêt si insatisfaisants. Il peut donc sembler souhaitable de garder un relatif contrôle sur les échanges sociaux du jeune enfant, afin d’éviter un éventuel traumatisme, ce que l’école ne permet pas. Pour cette raison, la sociabilité semble privilégier l’école à la maison … Donc, pour ceux qui l’intègrent à la socialisation, et s’y réfèrent en nous questionnant, je crois ce questionnement malvenu…
Reste qu’en parlant de socialisation, je suis persuadé que certains parlent d’insertion sociale, que je définis plus haut comme « participation constructive à la société humaine ». Je précise que par conformisme social, je vise en fait à l’autonomie sociale par l’obtention d’une rémunération, et donc l’accès à un travail. Mais le fait d’être en capacité à travailler n’implique pas que l’on fasse nécessairement ce choix … A mon stade de connaissance actuel, qui s’appuie sur une lourde pratique, je vois trois éléments de nature à favoriser une bonne insertion sociale. Le premier, c’est la sociabilité, déjà évoquée ci-dessus. Je pense que c’est le moins important, j’ai observé qu’une sociabilité exécrable n’empêchait nullement d’être diplômé de polytechnique, ce qui est en soi un bon élément d’insertion sociale. D’autre part, certains métiers ne réclament aucune qualité relationnelle. Je dirais simplement qu’une bonne sociabilité favorise certainement l’insertion sociale. Le second, relativement important, est l’acquisition d’un savoir-faire répondant à une demande sociale, et donc monnayable. Comme c’est le rôle dévolu en général in fine à l’instruction, même si la culture n’est à mes yeux pas négligeable, j’estime qu’on est ici au cœur du rôle de l’Education Nationale. Je pense qu’elle pourrait faire ceci mieux, et qu’elle le fait mal pour certains. Et que donc des parents préparés et conscients du travail à fournir, et possédant les capacités à le fournir, peuvent faire beaucoup mieux. Je suis cependant convaincu que des parents s’attribuant de façon insouciante ce rôle peuvent faire pire. Donc, si ce point, l’acquisition d’un savoir-faire répondant à une demande sociale, n’est pas de nature à décourager des parents avertis, j’estime qu’il est cependant de nature à faire réfléchir quiconque envisage de se substituer à l’Education Nationale. Le troisième, également important, est la connaissance de la société. Car si l’on possède un savoir-faire monnayable, mais qu’on ne sait pas où, ni à qui, ni comment le monnayer, on peut ramer … Faire connaître la société, l’Education Nationale le fait très mal. Pour une raison très simple, la plupart des enseignants n’a connu que trois statuts : élève, étudiant, prof. Ils sont donc experts en … Education Nationale. Mais la société (économique), j’ai observé qu’ils évitaient de s’y frotter s’ils le pouvaient, probablement car celle-ci chiffonne leurs idéologies. De plus, la société qu’il s’agit de faire connaître, idéalement, ce n’est pas celle d’aujourd’hui, mais celle de dans 10, 20, 50 ans. Si la prospective n’est pas forcément le point fort de tout un chacun, ce n’est notoirement pas celui de l’Education Nationale, qui aurait plutôt tendance à … du retard. En conséquence, sur ce point précis, je pense que des parents feront difficilement pire que l’Education Nationale. Et puis, à ce sujet, par prudence, veillez à entretenir les capacités d’adaptation de vos enfants …
A l’heure d’un premier bilan, sur l’ensemble des points étudiés ci-dessus comme pouvant être assimilés à de la socialisation, je n’en vois qu’un seul qui mérite de la vigilance de la part de parents tentés par l’éviction de l’Education Nationale. C’est le cœur de métier de celle-ci : l’instruction, qui selon moi bénéficie de la connaissance, et nécessite impérativement de la pédagogie. Sur tous les autres points, j’accorderais plutôt un avantage à l’école à la maison, sous réserve de prendre les mesures qui semblent souhaitable afin de proposer une large ouverture sociale à l’enfant.
Questions, demandes de développement, commentaires, contradiction argumentée bienvenus. |
| | | sandra Admin
Nombre de messages : 49 Date d'inscription : 21/10/2006
| Sujet: Re: Socialisation, sociabilité, insertion sociale ... Sam 10 Nov - 7:37 | |
| yo!!!! perso, j'aime! as tu la même aisance linguistique à l'oral? parce que j'aimerais beaucoup pouvoir énnoncer une telle argumentation à pas mal de personnes :-))) me reste qu'à l'apprendre par coeur | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Socialisation, sociabilité, insertion sociale ... Sam 10 Nov - 10:03 | |
| Bonjour Sandra et merci de ton commentaire,
Il s'agit d'une synthèse, davantage destinée dans mon esprit à rassurer des parents inquiets à ce sujet, qu'à fournir en réponse à un questionnement.
J'avoue que pour ma part la question de la socialisation ne me parait pas très sérieuse, l'emploi de ce concept sociologique fourre-tout laisse planer des doutes sur ce qu'entend par là le questionneur, et même sur ses connaissances dans le secteur social.
Une question pas sérieuse appelle-t-elle toujours une réponse sérieuse ? Je n'en suis pas sûr ... |
| | | rainbow
Nombre de messages : 34 Date d'inscription : 05/11/2007
| Sujet: Re: Socialisation, sociabilité, insertion sociale ... Sam 10 Nov - 14:55 | |
| je pense aussi que le problème de la socialisation est un faux problème, mis en avant par ceux qui n'ont en fait aucun argument contre l'instruction en famille... | |
| | | sandra Admin
Nombre de messages : 49 Date d'inscription : 21/10/2006
| Sujet: Re: Socialisation, sociabilité, insertion sociale ... Dim 11 Nov - 8:28 | |
| ou .. pour x raisons ... le fait de passer leur journée avec leur enfant leur semble si ardu qu'il leur faut justifier leur impossibilité à le faire ... ?... | |
| | | rainbow
Nombre de messages : 34 Date d'inscription : 05/11/2007
| Sujet: Re: Socialisation, sociabilité, insertion sociale ... Dim 11 Nov - 20:52 | |
| peut-être en effet un sentiment de culpabilité car ils ne peuvent pas prendre eux même en charge l'instruction de leurs enfants... | |
| | | mariama
Nombre de messages : 1 Date d'inscription : 30/11/2008
| Sujet: Re: Socialisation, sociabilité, insertion sociale ... Dim 30 Nov - 16:04 | |
| bien dit! | |
| | | Franc
Nombre de messages : 33 Date d'inscription : 11/02/2010
| Sujet: Re: Socialisation, sociabilité, insertion sociale ... Mar 4 Mai - 10:40 | |
| Bonjour à tous, Très intéressante explication, Jean-Philippe. Très heureux de vous entendre dire tout haut et de manière fort juste ce que je pensais tout bas et de manière plus confuse ! On apprécie aussi votre léger humour Jean-Philippe. Nous allons nous entendre ... Je proposerai des avis pratiques (à compléter) pour le développement de la sociabilité et de la socialisation --> ici https://laia-asso.forumpro.fr/et-la-socialisation-f9/socialisation-des-enfants-dans-la-pratique-t657.htmIl me semble que cet aspect "pratique" a son importance car lorsqu'une assistante sociale (1) est devant vous et que vous tentez de lui expliquer - de manière fort claire et logique - vos pensées, il peut se faire qu'elle ne vous comprenne pas bien ... Pensez-vous ! C'est elle qui est officiellement la "spécialiste diplômée", envoyée officiellement par l'Education Nationale. On est assez heureux lorsqu'elle ne se réfère pas obstinément aux idées émanées de cette Pensée Unique qui semble vouloir nous dominer. Nous subissont de manière souvent inconsciente, pour la plupart d'entre nous, une sorte de despotisme, d'uniformisme intellectuel. Heureusement qu'une poignée d'iréductibles gaulois s'oppose ... Même réflexion pour nos amis les inspecteurs de l'Education Nationale. Nous devons être très ouverts d'esprit mais eux semblent l'être beaucoup moins (sans doute à cause de leur conception de la psychologie ). Donc, nous devons préparer le terrain de manière fort pratique ... Ce serait aventureux (ou long) de parler de "bonne" socialisation car ce sujet mériterait d'être traiter à part. Pour résumé ma pensée, il me semble souhaitable que la socialisation s'harmonise avec les "valeurs" de l'éducation que l'on veut donner aux enfants. Ce souhait est plus facilement réalisable pour les enfants instruits à la maison car les parents maîtrisent mieux cette socialisation - pour le peu qu'ils soient à la hauteur bien entendu. (1) envoyée par la Mairie. | |
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